A GIOVANNI SARUBBI, MON FRERE ET AMI
Giovanni Sarubbi
« If you can look into the seeds of time and say which grain will grow and which will not. Speak then to me. »
« Si vous êtes capables de trouver dans les semences du temps la graine qui va germer. Instruisez-moi. »
William Shakespeare, Macbeth
Apprendre le décès d’un Ami, c’est toujours horrible. Mais l’apprendre trop tard pour avoir pu lui dire au revoir, c’est carrément insupportable. Voilà.
Ce matin, juste à mon réveil, j’ai appris la mort de mon ancien Directeur de IL DIALOGO et néanmoins Ami.
Un des rares. …
Depuis je le revois.
Je pense à lui.
Ça ne sert à rien de lui écrire.
Alors j’écris aux nuages...
Il y a deux jours, la Mort t’a pris, en traitre.
Tu es parti, sans un au-revoir, sans un adieu.
La mort devrait être comme un adieu sur le quai d’une gare, où l’on pourrait disposer d’un intervalle de temps, où avoir cette ultime conversation et laisser partir avec la confiance que tout va bien se passer.
Voilà.
Giovanni, je n’aurai pas pu te dire au revoir avant ton départ, je n’aurai pas pu dire à ton Epouse, tes Filles, tous tes Proches, à quel point je me sentais proche d’eux dans leur deuil.
Surtout, à toi, je n’aurai jamais pu dire combien ton calme, ta discrétion, ton humour, ce regard amusé que tu portais aux gens et au monde, et par dessus tout cette bienveillance, ce sourire apaisant, généreux, étaient des denrées rares dans ce monde et combien ils m’ont touchée.
Je me dis qu’on se reverra, là-haut, dans ce monde que les gens appellent le Paradis.
Je ne sais pas si ce monde existe réellement.
Je veux y croire.
Et, donc, je ne te dis pas adieu, mais au revoir, mon ami Giovanni.
Pendant les presque vingt années que nous nous sommes côtoyés, tu m’as toujours acceptée comme j’étais, avec mes bons et mes mauvais côtés, ma grande gueule et mon sale caractère.
Nous avons travaillé vraiment en tandem et ce fut un vrai bonheur : aucune rivalité, aucune compétition.
Avec toi, tout coulait de source, tout s’apaisait, même nos rythmes personnels, ainsi que ceux des autres interlocuteurs, apprenaient à s’accorder.
Mes inquiétudes fondaient tout simplement au soleil de ton calme olympien.
Et la réunion de rédaction commençait.
Que de combats n’avons-nous pas livré ensemble !
Peut-être pas de grandes choses, mais des petits riens qui font une Vie.
Nous portions l’espoir fou de croire en l’Avenir.
Notre engagement pour les Enfants passait par là : croire en demain pour ces Enfants victimes d’hier…
Victimes de violences, de maltraitance, d’exploitation, de traite, de trafic de leurs organes, de prostitution infantile, et de pédopornographie, notamment du fait de leur vulnérabilité, de leur incapacité juridique en raison de leur minorité d’âge et de l’insuffisance de la protection juridique et sociale qui leur est accordée.
Notre journalisme est un humanisme !
Nous ne l’avons pas trahi !
Tu aimais les voyages, la musique, la lecture, les planètes…
Tu voyageais en rêve.
Tu semblais toujours dans les nuages.
Tu es parti rejoindre les nuages dont tu venais sûrement et que tu n’avais jamais quittés totalement.
Je peux te le dire aujourd’hui, c’est même l’un des rares très bons souvenirs que je garde de cette époque.
La vraie mort, c’est le rien.
Il faut résister à cela, que la mort soit quelque chose, qu’elle fasse partie de la vie, qu’elle soit en état de complicité incessante.
Notre façon d’être avec la mort, de rencontrer la mort, est toujours une répétition. C’est à la fois la répétition d’une mort, la répétition du passé et du futur.
Et chaque mort qui nous arrive est alimentée par la source, le torrent des autres morts.
Et ce que nous perdons, à chaque fois, c’est un Enfant.
Lorsque mon père… – je crois que je ne parviendrai jamais à articuler ces quatre petits mots si lourds :
« Mon Père est mort ! »
J’ai perdu l’enfant qu’il était pour moi, l’Enfant que j’étais pour lui, l’Enfant que je suis pour moi.
Tout pour moi dans la vie s’accompagne d’un indice de « encore ».
Ainsi, mon père est encore là.
Je ne peux pas traverser un jardin avec lui et regarder un fil d’herbe pousser, sans me dédoubler et me voir, à ce moment même, regarder ce fil d’herbe avec mon père, bercée par les notes d’une musique ouvrant un passé-futur.
Nous pouvons vivre notre mort dans la fin brutale d’un amour, dans la perte narcissique. Nous devenons mortels et faisons la connaissance de la mortalité dans ce rapport à l’autre. De telle sorte que la moitié sera séparée de la moitié et devra la garder.
Quant à ceux qui emportent un morceau de nous-mêmes, il y a un tissage à faire, c’est un immense travail.
Renouer sans cesse, tendre l’oreille, tendre l’attention.
Ce n’est pas un se rappeler, mais appeler, évoquer.
Notre sort, c’est de ne pas laisser derrière nous.
Au revoir Giovanni, Mon Frère et Ami
Daniela
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